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Dernière mise à jour : 19 mars 2020

Après s’être empiffrés des petits fruits du jardin, les écureuils et les oiseaux m’ont laissé assez de framboises et deux groseilles (tu les vois ?) pour faire un smoothie.


Je laisse les animaux de mon jardin manger une (un peu trop grosse !) partie de ma récolte, c’est ma façon de ne pas oublier que même si je suis propriétaire de ce jardin, je ne suis en vérité que locataire de cette terre car tout ne fait que passer.

Demain quand j'aurai plus de temps, d’argent, de reconnaissance, d’amour… je ferai ceci ou cela. Notre mental est une fabrique à désirs et à illusions. Demain ne viendra peut-être jamais. Tendre vers un futur "supposé meilleur" nous empêche de vivre pleinement le présent or la vie n’existe que dans le présent, nulle part ailleurs.


La vie passe vite. C’est tout de suite qu’il faut vivre, c'est tout de suite qu'il faut rendre son présent "meilleur", demain c'est déjà trop tard.


Avoir conscience de sa finitude et l'embrasser pleinement aide à mieux vivre ici et maintenant, au coeur de la vie même.


- Claire Armange


 
 
 

Depuis que j’habite un jardin peuplé de bêtes à poils et à plumes je rêve d’en caresser les lièvres sauvages qui l’été me regardent faire du yoga et méditent avec moi sous les ramures japonisantes du grand févier. Ils s’approchent bien près, s’endorment quand je leur chante des OM mais d’un bond s’écartent, à peine, quand l’air de rien je laisse mon bras télescoper trop loin ma main en quête de câlins. Ils sont toujours à portée de main, mais à portée seulement, les p’tits malins !


Ils font si doux, presque duveteux, comme j’aimerais. Pourtant cela me plait qu’ils restent inaccessibles, c’est beau l’inaccessible, ça force l’humilité. Il reste si peu de choses sur lesquelles l’humain n’a pas posé son empreinte que leur inaccessibilité me devient sacrée.

Mais aujourd’hui point d’inaccessible, du sacré oui !


J’ai bercé un lièvre.


Pendant une demi-heure je lui ai murmuré des mots doux tandis que son œil fixait mon âme avec une bien étrange douceur.


Lui et moi et la neutralité du monde.


J’ai cherché sur son corps ce qui pourrait me guider afin de l’aider, mais quand l’instant présent s’est mis à pulser dans chacune de mes cellules et qu’à nouveau j’ai reconnu ce silence dense et assourdissant qui ouvre les portes, j’ai su qu’il ne me restait plus qu’à donner de l’amour car ce qui allait s’accomplir était bien au-delà de ma compréhension. Et en effet, la grande porte s’est ouverte, ce jeune lièvre l’a franchie sans un cri, dans la plus essentielle simplicité. Nous humain faisons tellement de bruit pour une chose aussi élémentaire et naturelle. Son corps a dénoué les derniers liens, il s’est étiré de tout son long et dans un petit tremblement insignifiant, il est mort dans mes bras.


Je ne l’ai pas enterré, c’est la manière des hommes, pas celle des lièvres, je l’ai couché dans la forêt au fond de mon jardin, au pied d’un arbre et parmi de jeunes pousses printanières qu'il aurait à coup sûr boulottées. Peut-être dans une autre vie... Je lui ai souhaité bon vent par-delà la grande porte.


Tandis que j’écris ces lignes les oiseaux sont déjà à l’oeuvre et dans le bois un lièvre devient corneille… c’est le cycle implacable et sublime de la vie qui une fois encore me surprend là où je ne l’attendais pas. Beaucoup de leçons ces derniers temps… je prends, j’apprends…


Aujourd’hui sous la pluie et le ciel gris, un maître lièvre s’est allongé contre mon coeur pour caresser mon âme d’une mélancolie belle et paisible.


Comme j’aime la vie.


- Claire Armange



 
 
 

Dernière mise à jour : 19 mars 2020


Mon corps entre dans une sorte de frénésie joyeuse à l’idée de se nourrir de légumes frais poussés sainement. Cette drôle de réaction me porte à ne pas seulement voir un légume, mais aussi la graine dans la terre aérée par les vers de terre, l’eau venue des mers, des fleuves, des lacs, le soleil, l’air, les insectes et tout ce qui a contribué à créer cette forme de vie qui, finissant dans mon assiette, va me donner de l’énergie. Tout ce qu’il a fallu que la nature déploie de talent et de persévérance.


Je vois aussi mon système digestif capable d’assimiler cette énergie afin que je puisse être en vie et à l’issue de cette aventure, mon propre corps qui un jour, à son tour, viendra nourrir la terre.


Alors j’éprouve de la gratitude. Si tu habites sur la lune et que tu n’as que des cailloux à manger et de la poussière à boire peut-être me comprends-tu ? Cette gratitude me relie à ce processus car sans lui, je ne suis rien.


Quoi de plus banal qu’un légume ? Pourtant en pensant à ce processus (du big bang à mon sang !), j’expérimente une logique universelle, mû par une seule et même énergie de vie. Par là même, j’expérimente l’unité. Tout est UN.


Cette conscience et cette gratitude me permettent d’accéder à la plus belle part de moi-même : la félicité. Elle est toujours là la félicité, même quand on ne la voit pas, elle existe en chacun de nous et nulles n’est besoin de grandes ascèses pour s’y baigner, les petites choses simples, banales et quotidiennes peuvent nous ouvrir à l’extraordinaire.


Alors ce midi j’ai pris un bain de félicité. J’ai apprêté quelques tomates avec un filet d’huile d’olive, du thym du jardin et de l’ail. Quelques graines de chanvre et de citrouilles crues, une pincée de parmigiano reggiano. Simple.


En cuisinant j’ai éprouvé d’autant plus de gratitude que ces tomates viennent du jardin d’Éva. J’ai eu de la gratitude pour le temps et l’attention qu’elle a donnés à ces tomates. C’est bien plus que de simples tomates qu’elle m’offrait ce matin, elle déposait le monde dans mes mains. Danke sehr Éva.


La vie circule de main en main de bouche en bouche, c’est aussi ça être UN.


- Claire Armange



 
 
 
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